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L’intelligence artificielle n’est plus de la science-fiction, elle est bien réelle et bien présente parmi nous aujourd’hui. À fur et à mesure que la recherche avance, sa définition se précise.

Une définition moribonde

L’intelligence artificielle (IA) se définit par « l’ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence ». Cette définition ne fait cependant pas l’unanimité et mérite à l’IA le surnom de « grand mythe de notre temps », explique Wikipédia.

Le problème vient du terme « intelligence » qui n’est pas clairement défini. Prenons le calcul mathématique par exemple. Faut-il de l’intelligence pour réaliser un calcul mathématique? Bien que les algorithmes soient connus et mécanisables aujourd’hui, ils n’enlèvent rien à la complexité qui a rebuté des générations de mathématiciens et même aujourd’hui. Si on vous demande la racine carrée de 10, très peu d’entre nous réussiront à trouver la réponse avec simplement un crayon et un papier. Et pourtant, le calcul est exclu aujourd’hui du domaine de l’IA, car les algorithmes de résolutions sont bien connus et établis.

Pourra-t-on toujours tout résoudre par un algorithme? L’intelligence est-elle toute algorithmique? Possiblement que oui… Cependant, la complexité des problèmes à résoudre peut facilement dépasser notre capacité à nous, humains, de les concevoir. Des avancées en réseaux neuronaux permettent présentement à l’IA d’apprendre et de créer ses propres algorithmes par essai-erreur, comme le ferait un humain, mais sans les contraintes de temps ni de puissance.

Le jeu, un terrain de prédilection pour l’IA!

Deep Blue

« Le 11 mai 1997, Deep Blue battait Garry Kasparov, joueur d’échecs russe sacré meilleur joueur mondial en 1984 et est resté numéro un mondial pendant plus de vingt ans. 1,8 mètre, 1,4 tonne et 256 puissants microprocesseurs ont été nécessaires pour réussir ce coup de maître historique. Mais alors, qui est ce nouveau concurrent surpuissant de Garry Kasparov? Développé par IBM, Deep Blue est un ordinateur spécialisé dans le jeu d’échecs.

Une sorte d’intelligence artificielle avant l’heure? Ou presque? Deep Blue est une IA « sous perfusion » de l’intelligence humaine. Dans sa mémoire (comme dans celle d’un grand maître) sont enregistrées les évaluations de très nombreuses positions, toutes « notées » par les consultants des grands maîtres. Deep Blue n’effectue de calculs poussés que pour les positions sélectionnées par les humains. Sans l’homme, cet ordinateur n’aurait jamais pu battre Garry Kasparov seul. »

AlphaZero

AlphaZero

AlphaZero: l’une des premières IA programmée pour apprendre le jeu d’échecs en 2017

« 20 ans plus tard, en 2017, AlphaZero, au lieu d’apprendre à partir d’une base de données de parties jouées par des humains, cette version de logiciel IA a simplement été programmée avec les règles du jeu et des algorithmes. À partir de là, autodidacte, l’IA a simulé des parties et a su ainsi maîtriser le jeu.

En à peine 4 heures, AlphaZero a assimilé toutes les connaissances connues sur le jeu et est devenu un véritable maître. Sur les 100 matchs disputés contre Stockfish, le meilleur programme d’échecs jamais développé, l’IA en a gagné 25 en jouant avec les blancs, 3 avec les noirs, tandis que le reste des parties se sont soldées par des nulles. Une vraie prouesse! », selon un article de Fabernovel.

AlphaZero s’est créé de meilleurs algorithmes. En seulement 4 heures, ce logiciel est devenu champion du monde aux échecs. Dans ce cas, on peut certainement parler d’algorithmes artificiels, créés de toutes pièces découlant de son expérimentation. Cette IA réalise ce qu’aucun humain ne peut faire.

Le domaine des jeux est un domaine où l’apprentissage est relativement simple. Pour jouer aux échecs, vous devez savoir quelques règles de base que même un enfant de 5 ans peut apprendre. Une IA peut facilement assimiler ces règles et se simuler quelques milliards de parties fictives en quelques heures pour trouver les meilleures façons de gagner. Il en est cependant autrement pour les activités humaines. La vie n’est pas une activité finie comme une partie d’échecs. Dans des activités où il n’y a pas de vainqueur ou la partie ne se termine jamais, l’IA peut difficilement déterminer si c’est un algorithme gagnant ou non. Son apprentissage est beaucoup plus lent…

La petite histoire de l’intelligence artificielle

Voici quelques dates mémorables du développement de l’IA dans le monde:

1950

  • Alan Turing se demandait si une machine pouvait être intelligente et développa son fameux test de turing permettant de le déterminer.
  • John McCarthy utilisa le terme artificial intelligence pour la première fois. Les premiers départements d’IA apparaissent dans les universités.

1960

  • La puissance informatique n’était pas suffisante à l’époque, alors les développements étaient plus théoriques et algorithmiques que pratiques. Les algorithmes de certains jeux (dames, échecs) ont été conçus.
  • L’une des premières intelligences artificielles pour l’Othello est IAGO, développée en 1976 par l’université Caltech de Pasadena (Californie), qui bat sans difficulté le champion japonais Fumio Fujita.

1980

  • L’apprentissage automatique machine learning se développe. L’ordinateur commence à déduire des « règles à suivre » rien qu’en analysant des données.
  • En 1988, l’ordinateur HiTech de Hans Berliner fut le premier programme à battre un grand maître du jeu d’échecs, Arnold Denker (74 ans) en match (3,5-1,5). Par la suite, de forts joueurs furent battus, comme le grand maître Bent Larsen (alors à 2560 points Elo), vaincu en 1988 par Deep Thought dans un tournoi en Californie.

1990

  • En 1997, la victoire de Deep Blue (IBM) (surnommé Deeper Blue lors de ce match revanche) contre Garry Kasparov (3,5–2,5) a marqué un tournant. Pour la première fois, le meilleur joueur humain d’échecs était battu en match (et non lors d’une partie unique) par une machine.

2000

  • Le Web 2.0, le big data et de nouvelles puissances et infrastructures de calcul, permettent à certains ordinateurs d’explorer des masses de données sans précédent. C’est l’apprentissage profond (deep learning).
  • Arrivée des assistants personnels « intelligents », comme l’Apple Siri en 2007, Google Now en 2012 et Microsoft Cortana en 2014.

2010

  • Watson, le superordinateur conçu par IBM, remporte deux des trois manches du jeu télévisé Jeopardy, un jeu de culture générale, en battant largement ses deux concurrents humains en gains cumulés.
  • En 2015, l’IA réalise des progrès significatifs dans la pratique du go, plus complexe à appréhender que les échecs (entre autres à cause du plus grand nombre de positions. 10 170 au go, contre 1 050 pour les échecs et des parties plausibles : 10 600 au go, contre 10 120 pour les échecs.
  • En octobre 2015, AlphaGo, un logiciel d’IA conçu par DeepMind, filiale de Google, bat pour la première fois Fan Hui, le triple champion européen de go et ainsi relève ce qu’on considérait comme l’un des plus grands défis pour l’intelligence artificielle.
  • En 2017, lors du tournoi de poker « Cerveau contre IA » organisé dans un casino de Pennsylvanie, l’IA Libratus, développée par des chercheurs de l’université Carnegie-Mellon de Pittsburgh, est confrontée à des adversaires humains. Les joueurs humains opposés à Libratus, tous professionnels de poker, affrontent successivement la machine dans une partie en face à face. Au terme de plus de 120 000 mains jouées, Libratus accumule 1 766 250$ (virtuels). Le joueur humain ayant perdu le moins d’argent dans son duel face à la machine, Dong Kim, est tout de même en déficit de plus de 85 000$. La victoire nette et sans bavure de la machine marque une nouvelle étape dans le développement de l’intelligence artificielle. Elle illustre les progrès accomplis dans le traitement par l’IA des « informations imparfaites », où la réflexion doit prendre en compte des données incomplètes ou dissimulées. Les estimations du nombre de possibilités d’une partie de poker no limit en face à face est d’environ de 10 160.
  • Deep Mind, une filiale de Google débute ses travaux sur l’intelligence générale artificielle (IGA) visant à créer une intelligence générale semblable à l’intelligence humaine.
  • AlphaZero a été développé pour jouer à n’importe quel jeu en connaissant seulement les règles et en apprenant seul à jouer contre lui-même. Après 9 heures d’entraînement, AlphaZero a battu le programme d’échecs Stockfish avec 28 victoires, 72 nulles et aucune défaite…
  • Des modèles d’intelligence artificielle développés par Microsoft et Alibaba réussissent chacun de leur côté à battre les humains dans un test de lecture et de compréhension de l’université Stanford.
  • L’institut de recherche OpenAI annonce avoir créé un programme d’intelligence artificielle capable de générer des textes tellement réalistes que cette technologie pourrait être dangereuse.

2020

  • Google’s AIT peut maintenant détecter des cancers du sein avec plus d’exactitude que les médecins.
  • Les premiers brevets sur des inventions faites par l’IA sont déposés.

2030

  • Singularité: l’IA va atteindre et dépasser l’intelligence humaine dans son ensemble.

Comme pour toutes les sciences, les découvertes et avancées en IA se font à un rythme de plus en plus rapide. Nous avons atteint une période où le développement est exponentiel et cela nous dirige tout droit vers un avenir incertain.

Le développement de l’intelligence artificielle bloqué par la technologie

Des algorithmes initialement développés par des chercheurs en intelligence artificielle commencent à faire partie de systèmes plus larges. L’IA a résolu beaucoup de problèmes très complexes et ses solutions ont servi à travers tout le secteur technologique. On peut penser entre autres à l’exploration de données, la robotique industrielle, la logistique, la reconnaissance vocale, les applications bancaires, les diagnostics médicaux, la reconnaissance de formes, le moteur de recherche de Google, les chatbots…

Le développement de cette nouvelle science a été continuellement bloqué par les limites technologiques et c’est encore le cas aujourd’hui. Pour Ray Kurzweil, futurologue et directeur de recherche chez Google, le problème d’avancée de l’IA réside dans le manque de puissance de calcul. En s’appuyant sur la loi de Moore, il prédit que les machines avec une intelligence comparable à l’humain arriveront vers 2030.

Les domaines de recherche en IA

L’intelligence artificielle forte

Le concept d’intelligence artificielle forte fait référence à une machine capable de produire un comportement intelligent notable et de modéliser des idées abstraites. Mais aussi d’éprouver une impression d’une réelle conscience, de « vrais sentiments » (quoi qu’on puisse mettre derrière ces mots), et « une compréhension de ses propres raisonnements ».

L’intelligence artificielle faible

La notion d’intelligence artificielle faible constitue une approche pragmatique d’ingénieur: chercher à construire des systèmes de plus en plus autonomes (pour réduire le coût de leur supervision), des algorithmes capables de résoudre des problèmes d’une certaine classe, etc. Mais, cette fois, la machine simule l’intelligence. Elle semble agir comme si elle était intelligente. On en voit des exemples concrets avec les programmes conversationnels qui tentent de passer le test de Turing, comme ELIZA. Ces logiciels parviennent à imiter de façon grossière le comportement d’humains face à d’autres humains lors d’un dialogue.

L’IA, présente et inéluctable

L’intelligence artificielle est déjà parmi nous. Ses avancées maintenant quotidiennes en font une force de plus en plus présente qui est ici pour demeurer. De plus en plus, on voit apparaître de puissants outils intégrant l’IA qui assistent les médecins, les assureurs, les météorologues…

En 2019, Yoshua Bengio, professeur d’informatique à l’Université de Montréal et lauréat du prix annuel A. M. Turing, mentionnait que l’IA avait en 2019 l’intelligence d’un enfant de 2 ans. Ainsi, la puissance et la capacité informatique constituent le principal obstacle à sa progression explosive. Mais selon les prédictions de la loi de Moore, vers 2030 la puissance sera au rendez-vous pour que l’IA dépasse l’intelligence humaine. C’est ce que certains appellent la singularité, car au-delà de cette date nul ne peut prévoir ce qui se passera.